Sarah (prénom modifié pour maintenir l’anonymat)

Je pense que témoigner de mon histoire pourrait parler aux jeunes et notamment aux étudiants en transition vers le monde professionnel. 

En effet, lors de ma dernière année de master universitaire j’ai vécu un burn out qui s’est déclaré un matin alors que je n’avais plus la motivation d’aller en cours. 

J’avais prévu de me rendre sur Paris pour voir une exposition. 

Lors de mon « voyage » en transport en commun, je suis debout. 

Je ressens de profond acouphènes, j’ai chaud d’un coup, mon ouïe se brouille. 

Je prie pour que le trajet se passe vite. 

Il me reste 15 minutes avant d’arriver à Gare du Nord. 

À peine arrivé, le train sonne l’ouverture des portes, je ne me vois pas marcher. 

Mon corps, les yeux fermés, me dirige vers le mur du quai que je prends à pleine joue. 

Je me retrouve ainsi au sol. 

Tétanisée et à bout de force. 

Je pleure. 

Je ne comprends pas ce qui m’arrive.

À partir de ce moment-là, des crises d’angoisses s’invitent chaque jour surtout pour aller à la fac. 

Je ne comprends pas ce que je fais là. 

J’ai envie d’arrêter mon master et de recommencer à zéro. 

Je vais voir une conseillère d’orientation et je lui raconte ce qui vient de se produire.

Elle me dit alors que tout cela est le résultat de mon stage que j’ai vécu intensément. 

Pendant 6 mois, j’ai travaillé 10h par jour. 

J’avais la sensation de m’épanouir pleinement sans m’arrêter. 

Le métro boulot dodo était devenu mon quotidien. 

Les petites maladies se sont multipliées, tout doucement par ci par là. 

Sans que j’y prête attention. 

6 mois après cette expérience, je me retrouvais tétanisée sur ce quai de Gare du Nord.

 

Je suis allée voir le psychologue de ma fac qui m’a appris à mettre des mots sur ce qui n’allait pas. 

Un travail thérapeutique a suivi son cours depuis. 

J’ai appris à décoder mon cerveau sur la vision du travail mais pas que. 

Aujourd’hui cela fait 4 ans que cet épisode est passé. 

Cependant, je revis des épuisements professionnels dès lors que je veux me prouver ma place. 

Je m’impose un rythme, une envie d’être la fille parfaite. 

Connaître ses limites, c’est le premier apprentissage que ce burn out m’a appris. 

Communiquer fut le second. 

Car même si l’entreprise a sa part de responsabilité, je pense qu’il est essentiellement lié à un modèle que l’on s’impose à soi-même. 

Le chemin est long mais le Burn out ouvre la porte à l’écoute de soi et à la reconstruction. 

Sans cet épisode, je ne serais pas devenue la même et je n’aurais pas appris à m’aimer, à me respecter et chérir mon corps.

Oui le Burn out arrive même à 22 ans. 

C’est quelque chose avec lequel on apprend chaque jour à composer pour ne pas retomber si bas.

Chloé

Je suis à 32 mois d’arrêt, j’ai été arrêté en mars 2021.

En 2012, j’avais déjà fait un BO, mais on ne m’a pas laissé le temps de me remettre complètement.

Le médecin conseil m’a ordonné de reprendre sans quoi elle me confronterai à mon directeur ; à l’époque j’étais cheffe de service.

J’ai repris le travail 3 mois après en piteux état.

Lorsque le poste de directeur s’est libéré, j’ai fait acte de candidature car je ne voulais plus que mes conditions de travail dépendent des autres ; par ailleurs, cela me permettait aussi de développer la QVCT au sein des services que j’avais en responsabilité.

La charge de travail s’est alourdie au fil des années, jusqu’à en devenir intenable pour moi.

Je ne voyais plus mes enfants, un peu le week-end si je n’étais pas appelée sur mes astreintes.

Les vacances, c’était avec l’ordi et le téléphone à proximité.

Le maître mot de l’organisation ” un directeur doit être joignable même en vacances”.

Bref, j’ai tenu tout ce que j’ai pu.

De 2019 à 2021, je me suis traînée.

Alors que j’avais demandé à ne pas être responsable d’une énième structure, elle m’a tout de même été confiée.

Des conflits de valeurs ont aussi perturbé la confiance que je pouvais avoir en l’organisation pour laquelle je travaillais.

Mes nuits étaient désastreuses.

Les derniers mois avant mon arrêt, je me sentais aigrie, en colère, épuisée, avec l’envie d’en finir.

Face à mon bureau, il y avait une fenêtre ; tous les jours, je me disais que j’allais me défenestrer.

C’était dur à combattre comme idée.

Et puis, la dernière semaine de travail, je me suis forcée à y retourner, en pleurant dans la voiture, comme une enfant qui ne veut pas aller à l’école.

C’était “trop”: c’est le mot que je me disais à chaque fois.

Le dernier jour, mes salariés se sont inquiétés pour moi, et je me suis dit que je ne pouvais pas leur infliger ça, je devais réfléchir à ce que j’allais faire.

Je n’ai pas eu le temps de la réflexion, mon corps a lâché le week-end avant mon arrêt.

Pleurs, impossible de penser, et des idées noires, culpabilité ….

J’avais été incapable de surmonter ça, quelle honte pour moi qui réussissais toujours tout.

Un passage à l’acte et une enfant traumatisée, je me suis entourée de professionnels psy, psychiatre, coach…bref je me suis fait aidée et c’est sans doute ce qui m’a sauvée.

Aujourd’hui, je vais mieux, je me reconstruis, mais je sais que je ne suis pas complètement sortie du BO.

Je manque souvent d’énergie, ma mémoire reste défaillante, les moments de panique arrivent assez vite quand je suis trop sollicitée.

Je ne dirais pas que mon BO m’a sauvé la vie, mais il m’a ouvert les yeux sur qui j’étais et ce que je voulais vraiment.

Ce travail sur soi est nécessaire si on veut aller de l’avant ; c’est loin d’être facile mais c’est vital.

Merci.

Pauline (prénom modifié pour maintenir l’anonymat)

En 2017 j’étais conseillère en insertion depuis 11 ans.

J’étais appréciée et mon travail me plaisait.

J’y faisais vivre mes valeurs.

Alors mon directeur m’a proposé de conduire un nouveau dispositif.

Tout était à faire et ça modifiait profondément mon cœur de métier.

Plus de responsabilités, c’était un défi que j’ai accepté.

Avec à la clé une promesse (verbale évidemment) d’évolution.

Car oui, pour le moment ce n’était pas possible de « monter en grade » mais j’avais droit à une prime en attendant (70€).

Bref, j’ai travaillé dur, et j’ai vite été débordée.

Je n’étais pas la seule, déjà bon nombre de syndicats de la branche tiraient la sonnette d’alarme .

J’ai alerté ma direction mais ils ont été sourds et aveugles.

Même mes collègues leur en parlaient car il voyait bien mon mal être.

Je n’en dormais plus, j’étais épuisée…

Et pas reconnue.

Pas d’augmentation, pas d’évolution…

J’ai craqué un jour alors que j’emmenais mon fils chez le médecin.

Ce dernier m’a demandé comment j’allais et j’ai éclaté en larmes.

Il m’a arrêtée une semaine.

J’ai consulté une psy que j’avais déjà vu.

Elle a mis le mot « burn-out » sur la table.

Je n’y croyais pas.

Pas moi, je suis psychologue de formation et tellement solide… 😅

Bref, j’ai été arrêtée 4 mois, j’ai enchaîné sur mes vacances d’été et je suis revenue.

Trop tôt.

Mal accueillie (« ça va » a été la seule phrase d’accueil avant de parler boulot comme si de rien n’était).

C’est moi qui ai dû demander la visite médicale de reprise, ainsi qu’un rdv avec la direction pour échanger sur la situation.

Durant cet entretien je parle de burn-out et mon directeur me coupe : »ça c’est vous qui le dites ».

J’ai dû sortir pleurer.

Mon état n’a jamais été reconnu, ni les signes d’alerte.

Ils m’ont même reproché de ne pas avoir expliqué clairement à quel point j’allais mal…

Bref, de personne de confiance je suis passée à l’employée qui se plaint.

Comme j’avais évoqué la trop forte charge de travail, il m’ont demandé de proposer une réorganisation.

J’ai dû y travailler seule.

Ils n’avaient rien pensé durant mon absence.

Puis peu à peu, sous couvert de me soulager on m’a enlevé des tâches que j’aimais le plus…

Ils ont vidé mon travail de son sens.

J’ai lentement glissé vers le bore-out…

Et comme je n’étais pas encore assez solide, ça ne pouvait pas s’améliorer.

Le confinement de 2020 a été un réel soulagement pour moi, c’est dire!

J’ai tenu encore mais je faisais vraiment le minimum, j’avais perdu « la flamme ».

Et puis la boule au ventre est devenue de plus en plus lourde.

Je n’arrivais plus à y aller…

Mon directeur cherchait tout le temps « la petite bête », à la limite du harcèlement.

J’ai été arrêtée de nouveau.

Mais là c’était ma demande, je reconnaissais les signaux et je ne voulais plus que mon entourage et moi payons encore les pots cassés.

Et là j’ai consulté à « La maison de travail » où j’ai bénéficié d’une bonne prise en charge. Je déculpabilisais enfin.

Mon arrêt a duré un an cette fois.

Pour aboutir à une inaptitude au travail et un licenciement qui m’a soulagée.

Je n’ai plus de rancœur, je trouve juste hallucinant cette totale absence de remise en question. Sachant que depuis d’autres salariés ont été ou sont encore en arrêt…

Je me suis reconvertie à la sophrologie et je viens d’obtenir le titre.

Et j’ai dans l’idée d’aider aussi ceux qui traversent cette souffrance au travail 😊

Louise

Il s’est passé tellement de choses durant cette année 2023 et à la fois, elle a été tellement vide.

2023 a été une année mise entre parenthèses à cause de mon burn-out.

Septembre 2022, retour de vacances, et début de formation pour un nouveau poste pour monter en grade.

A peine une semaine de formation, et je prends le train en marche à fond, persuadée que je peux tout gérer : mon poste de secrétaire, celui de gérante des véhicules de location, celui de comptable pour les impayés et mon nouveau poste en formation de réceptionnaire.

J’adore chaque facette de mon métier, même si y a des clients plus difficiles que d’autres, ça fait partie du jeu.

Je me donne à fond.

Novembre, je me sens complètement usée, je ne récupère plus même en dormant des heures et des heures.

Décembre, commencent les erreurs, les fautes d’orthographes, les oublis, les pleurs, les prises de tête, la susceptibilité, l’épuisement mais surtout LE DÉNI.

La fin d’année, c’est crucial, les clients ont besoin de leurs voitures, les comptables ont besoin du bilan de fin d’année, moi je suis dans l’attente de signer en janvier ce changement de poste.

Mi-décembre, les 1ères douleurs apparaissent : les cervicales.

Un vendredi, je ne peux plus tourner la tête.

Entre 12h et 14h, je file à l’ostéo en urgence.

A part me redonner un peu de mobilité, c’est la seule chose qu’il arrive à faire.

J’ai les cervicales inflammées.

Le lundi, j’y retourne, c’est pire.

Malheureusement, il pourra tout essayer, ça ne changera pas grand chose.

Mercredi, je vois ma kinésiologue à 10h30, elle me regarde dans les yeux et me dit « Louise, il est hors de question que tu retournes au boulot dans l’état que tu es. Tu es en train de t’écrouler. »

Et là, c’est le drame.

Je m’effondre.

Pendant 1h, je cherche un médecin en vain, je finis aux soins non-programmés de l’hôpital qui me prescrit une minerve, une écharpe pour le bras et 3jours d’arrêt.

Mes douleurs aux cervicales se sont étendues au dos.

Le lundi, incapable de retourner au boulot, je revois un autre médecin.

Une torture.

Elle me prend la tête et me la tourne d’un coup et me dit « bah vous voyez vous avez de la mobilité. Je vous mets 2 jours d’arrêt, mais c’est vraiment parce que vous venez pour ça (et elle me prescrit de la pommade…) ! »

De là, j’abandonne les médecins, je retourne au boulot et je me dis, je tiendrais.

2 semaines s’écoulent et je prends rdv avec mon directeur pour avoir 1 semaine de vacances.

Et là, l’écroulement.

Le mercredi, j’arrive à voir un nouveau médecin, je m’effondre devant elle, je ne pouvais à peine marcher, j’avais horriblement mal partout…

Et là, elle me dit « mais vous êtes en dépression madame ! ».

C’était la phrase de trop.

« Mais non, je ne suis pas dépression, je fais un Burn out, je suis au 3e médecin, ça fait des semaines que je souffre et personne ne fait rien.

J’en peux plus, je suis à bout, je souffre !! »

Et à partir du lundi suivant, j’ai été mise en arrêt toutes les semaines, ou tous les 15 jours et ça a duré 5 mois.

Je n’ai jamais eu d’arrêt d’un mois sauf quand mon directeur en a fait la demande en avril. Est-ce normal ?

Plongée dans les anxiolytiques et les antidépresseurs, mon nouveau médecin (le 4e) évoqué le fait de ne plus vouloir me prolonger mon arrêt alors que j’étais incapable de retourner travailler.

J’ai donc été voir la médecine du travail où je me suis faite engueulée parce qu’on ne m’avait jamais prescrite d’examens ou de prise de sang.

Et qu’il était hors de question que je reprenne le travail dans l’état que j’étais.

Difficile pour mon médecin d’entendre le discours de la médecine du travail.

J’ai donc pris la décision de faire une rupture conventionnelle pour me libérer des médecins.

Sauf que j’avais des effets secondaires des antidépresseurs que mon médecin ne voulait pas entendre.

Juin et juillet se sont conclus par une batterie d’examens et un changement d’antidépresseurs grâce à la psychiatre que j’avais pris l’initiative d’aller voir.

Et me voilà hypersensible à toutes substances chimiques, y compris les antidépresseurs.

J’ai arrêté les antidépresseurs en août et tout est rentré plus ou moins dans l’ordre.

Aujourd’hui, j’ai repris le travail depuis octobre, le moindre écart je le paye.

Le moindre stress me déclenche une nouvelle douleur.

En ce moment, ce sont soit les trapèzes soit les cervicales qui prennent.

Je ne suis plus suivie depuis août parce que mon burn-out m’a couté une blinde et j’ai épuisé toutes mes économies.

J’essaye d’écouter mon corps et de ne pas trop me surcharger mais c’est difficile quand le mental en veut beaucoup plus.

J’ai pour projet en janvier de commencer l’accompagnement RPBO pour ne pas reproduire le même schéma.

Louise 🙏